J’ai reçu il y a quelques mois un message de Daniel CHAUSSIN, ex-appelé, qui se demandait sur quel site il était tombé, il avait envie de communiquer, j’avais donc décidé de lui répondre, ce que je fis. Par la suite, il me dit avoir des photos du temps de son incorporation pendant la guerre d’Algérie, bien entendu, j’étais heureuse de voir et avoir ces photos par mail. Avec son autorisation, je poste donc les photos de Daniel, sous le titre de : 1961/62-DES PHOTOS DE LA-BAS.
Pour reprendre l’histoire de Daniel, j’ai tout simplement recopié ses mots, ses phrases, afin de ne pas modifier son histoire, je vous laisse donc la lire :
J’ai été incorporé le jour de mes 20 ans en Janvier 1961, et libéré fin Décembre 1962. Les dates que je crois avoir retenues, c’est le 19 Mars 1962, et le 4 Juillet 1962. J’ai de très bons souvenirs, et d’autres atroces. Ces 24 mois se sont répartis en 4 phases et autant d’endroits :
-Mostaganem, rien de particulier, chauffeur en service autos.
-Aïn Tédéles, chauffeur, encore, au PC bataillon, gros véhicules opérationnels.
-Oran, patrouilles dans le quartier européen, complètement inutiles, jusqu’au 3 ou 4 Juillet 1962, date à laquelle « ponce-pilate-De Gaulle » a tout plaqué et donné des ordres de répression féroces, assisté par Massu et consorts, et que nous avons laissé la place libre. ( la conséquence c’est que les pieds noirs étaient jetés aux chiens)
-Aïn Témouchent, en section, caporal, enfer disciplinaire pour cause d’indépendance.
Vous me dites n’en vouloir à personne, mais lors de mon retour, j’étais « intoxiqué » par les évènements vécus, j’ai lu Yves Courrière (historien) et Jean Lartéguy (romancier proche du réel). J’ai tout recoupé, j’ai une idée de l’ensemble de cette période que j’ai retrouvée antérieurement grâce aux récits trouvés chez Yves Courrière. Jean Lartéguy journaliste en Indochine parlait du « mal Jaune », j’étais marqué par le « mal brun ». J’en ai souffert plusieurs années et maintenant encore, mes souvenirs sont très vifs, celui le plus douloureux, c’est le 4 Juillet 1962, sur la terrasse du Lycée Ardaillon. Les équipes de l’ALN qui ont investi le quartier européen, éliminant tout ce qui n’était pas musulman, avec une très grande sauvagerie. Nos officiers et sous officiers ont eu bien du mal à nous contenir, et aucun nous a dit qu’il exécutait les ordres de bon coeur. Cette position à Oran, m’a fait connaitre La Sénia, et Mers El Kébir. Je n’ai pas encore retrouvé toutes mes photos, mais j’ai celles de l’exode à Mers El Kébir. D’Oran, je n’ai de souvenir que de ce Boulevard qui montait jusqu’au Lycée Ardaillon, en passant devant le Lycée Lamoricière où était cantonnée une autre de nos compagnies. Quand je suis revenu chez mes parents, j’ai retrouvé leur appartement de 16m2, je me suis senti petit, j’avais vécu des moments très intenses, j’étais devenu pro-pieds-noirs. C’est là que je me suis jeté sur la littérature dont je parle plus haut.
Pendant l’une de mes « périodes », à Aïn Tédélès, l’ambiance du petit village prêtait à contacts avec les pieds-noirs. (je n’ai connu aucun arabe scolarisé pendant 24 mois) il y avait des (grandes) jeunes filles qui étaient inquiètes pour leur avenir, et qui regardaient les appelés avec les yeux de Chimène. Un viticulteur qui avait trois filles nous prêtait son garage pour des après midi dansants le Dimanche, avec un oeil à l’extérieur pour prévenir un éventuel attentat. Ils s’appelaient Hernandez, et il y avait sur la place, le petit bistro « Chez Mimile Ramirez », avec Mimile accoudé à son « zinc », pétillant de sympathie.
Pour terminer, je rajouterai ceci : Daniel parle avec son coeur. Jusqu’à présent, j’ai découvert via le net, beaucoup de sites de pieds-noirs relatant leur enfance, leur histoire, la guerre d’Algérie, j’ai vu des photos, des vidéos, j’ai discuté avec des pieds-noirs parfaitement inconnus pour moi, vous avez tous votre histoire, qui est celle de mes parents et l’arrivée de Daniel avec ses souvenirs rejoint notre histoire. Je le remercie donc pour le partage de ses photos et de son récit.